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Utilité du système de santé sur le plan de l’économie politique

Le poids économique du secteur de la santé augmente. La recherche de potentiels d’efficience devra devenir de plus en plus centrale. Un défi en matière de politique de la santé.

Dominik Hauri, est collaborateur scientifique au sein du secteur Analyse du marché du travail et politique sociale de la Direction de la politique économique du Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO).

18. février 2021

En Suisse, l’évolution des coûts de la santé inquiète depuis longtemps. L’introduction de la loi fédérale sur l’assurance-maladie (LAMal) en 1996 avait déjà pour objectif de freiner la hausse des coûts, qu’il ne serait pas possible de financer durablement. Jusqu’à présent, le succès est encore trop mitigé. Au sein de l’OCDE, il n’y a qu’aux Etats-Unis que la part des dépenses de santé dans le produit intérieur brut dépasse celle de la Suisse. Entre 2010 et 2018, cette part n’a d’ailleurs pas autant augmenté dans un autre pays industrialisé que le nôtre: elle est passée de 9,4 % en 2000 à près de 12 % (2018: 11,9 % exactement).

Comment se fait-il que les dépenses de santé connaissent toujours une croissance apparemment effrénée malgré de nombreux efforts pour la ralentir? L’une des raisons est vraisemblablement qu’en cas de hausse des revenus, la société est disposée à consacrer une part de revenu très importante aux soins médicaux. Dans les économies prospères en particulier, la disposition à payer pour des technologies de la santé nouvelles et souvent onéreuses est élevée. En outre, il existe d’autres explications plausibles à la hausse démesurée des dépenses de santé par rapport au PIB, notamment le fait que les prestations de santé sont généralement gourmandes en personnel et plutôt difficiles à automatiser, ou encore le vieillissement de la population.

La santé vaut la peine!

Il serait trop simpliste de se focaliser uniquement sur les dépenses de santé. En effet, une population en bonne santé contribue à éviter les absences et les pertes de productivité pour cause de maladie et peut être considérée comme un investissement dans l’efficacité de l’économie nationale. Un examen complet exige donc de prendre aussi en considération la composante de l’utilité.

Il est nettement plus facile de répertorier des dépenses que de mesurer l’utilité de toutes les prestations de santé ainsi que des systèmes de santé dans leur ensemble. En comparaison internationale, les indicateurs disponibles ne laissent toutefois pas supposer de divergence fondamentale entre les coûts et l’utilité du système de santé helvétique. En Suisse, les nouveau-nés présentent par exemple la plus grande espérance de vie de tous les pays de l’OCDE. De plus, des études laissent penser qu’en comparaison internationale, les Suissesses et les Suisses jouissent d’une bonne santé jusqu’à un âge avancé.

Le système de santé comme moteur de l’emploi

Les dépenses de santé élevées se reflètent également dans le nombre d’emplois. En Suisse, quelque 630 000 personnes (2e trimestre 2020, nombre d’emplois à temps plein et à temps partiel) travaillent dans le domaine de la santé (EMS compris), ce qui représente 12,4 % de tous les emplois. Cette part est plus élevée que celles des emplois du secteur financier et de l’assurance (4,6 %) et du domaine de l’hôtellerie / restauration (4,6 %) cumulées.

Depuis l’an 2000, le nombre d’emplois dans l’industrie a augmenté de 4,5 %.

Depuis le début du millénaire, le nombre d’emplois dans le domaine de la santé a augmenté de plus de moitié (+60 %). Même les «services proches de l’Etat», à savoir l’enseignement, l’action sociale et l’administration publique, ont enregistré une croissance plus faible (+52,4 %). Le secteur industriel a lui connu une hausse de seulement 4,5 % pendant la même période. En observant le marché du travail, on peut déceler du positif dans la dynamique de l’emploi pour le domaine de la santé: ce dernier offre des possibilités d’emploi à un grand nombre de travailleurs et de travailleuses disposant de niveaux de qualification très divers.

Depuis l’an 2000, le nombre d’emplois dans le domaine de la santé a connu une hausse de 60 %.

Un potentiel d’optimisation

Pourtant, il faudrait accorder une plus haute priorité à l’utilisation de moyens efficients dans le domaine de la LAMal, qui est principalement financé par les impôts et les primes de l’assurance obligatoire des soins. Publiée l’année dernière sur mandat de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), une étude a tenté d’évaluer le potentiel d’efficience existant, l’estimant compris entre 16 et 19 % des prestations soumises à la LAMal. Concernant l’année de référence 2016, le potentiel d’efficience calculé représenterait ainsi un total de 7,1 à 8,4 milliards de francs ou 855 à 1012 francs par personne. Même s’il ne semble pas être possible d’exploiter la totalité du potentiel théorique, des efforts en ce sens valent vraiment la peine.

Dans le domaine de la santé, les interventions étatiques influencent à la fois l’offre et la demande. Les incitations institutionnelles ne sont souvent pas propices à favoriser auprès des acteurs un comportement attentif aux coûts. Du point de vue de l’individu, il est logique d’étendre la demande en prestations de santé afin de compenser la hausse des primes obligatoires. En même temps, la majorité des systèmes de rémunération sont conçus de sorte que les fournisseurs de prestations profitent financièrement d’un élargissement de la demande. Dans un système de concurrence régulée, les caisses-maladie devraient pour leur part être prédestinées à s’engager activement en faveur d’un bon rapport prix-prestation pour leur clientèle. Or, elles ne semblent pas trouver dans la LAMal les instruments nécessaires pour pouvoir influer davantage sur l’évolution des coûts.

La question non résolue des prix

Du point de vue économique, la solution la plus simple serait de corriger les diverses mauvaises incitations pour que l’offre et la demande puissent atteindre le point d’utilité optimale. En pratique, ce défi est toutefois complexe et associé à des conflits d’objectifs. L’expérience des vingt dernières années montre d’ailleurs que les réformes efficaces ont la vie dure en politique.

Le blocage des réformes ouvre la voie aux propositions de solutions qui s’écartent fortement du statu quo. Ainsi, l’initiative du PDC pour un frein aux coûts de la santé par exemple exige d’indexer les coûts par tête dans l’assurance obligatoire des soins sur l’économie suisse et les salaires moyens. Le Conseil fédéral y a opposé un contre-projet indirect selon lequel la Confédération et les cantons définiraient désormais chaque année des objectifs en matière d’augmentation des coûts dans les domaines de prestations.

Sources

Dominik Hauri

est collaborateur scientifique au sein du secteur Analyse du marché du travail et politique sociale de la Direction de la politique économique du Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO).

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