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Factures d’hôpital excessives pour les assurés en complémentaire

La structure d’assurance en divisions commune, demi-privée et privée est un reliquat du passé. Elle augmente le risque d’une médecine à deux vitesses et ouvre la porte aux manigances.

Dr. med. Hanswerner Iff, Médecin-chef de l’ancien sanatorium de Soleure

21. juin 2021

Les offres des caisses-maladie de mes premières années de jeune médecin me donnaient déjà à réfléchir. A l’hôpital, ces offres étaient marquées par la distinction entre «commune», «demi-privée» et «privée». Créées dans le cadre de la médecine thermale du XIXe siècle, ces classes existent encore sous forme de reliquat du passé. Je ne sais pas si elles doivent faire partie de l’assurance complémentaire. Considérant la loi sur le contrat d’assurance (LCA, 1905), datant presque de la même époque, cette offre peut sembler légitime aujourd’hui. Ces classes ne tiennent pourtant pas compte du contexte hospitalier actuel et ouvrent la porte à toutes sortes de manigances.

Il y a trois ans, j’ai discuté de l’une de mes propres factures – d’un montant élevé – avec les administrations de l’hôpital et de l’assureur concernés. Les deux ont attesté sa validité. En tant qu’assuré en division demi-privée, j’aurais séjourné dans une chambre à deux lits, profité d’une cuisine excellente et reçu des soins médicaux de premier choix. Mon séjour avait duré à peine plus de 24 heures. En dehors de l’intervention médicale, je n’avais pas vraiment eu le temps de bénéficier des bons repas. Et pourtant, ma facture était au moins deux fois plus élevée que l’aurait été celle d’un patient assuré en division commune. Etait-ce justifié?

Nouveaux traitements et facturations

Voilà 50 ans, je trouvais déjà surprenant qu’aux soins intensifs, les patients, qu’ils soient assurés en division commune ou privée, soient alités dans la même pièce en bénéficiant de la même prise en charge médicale et paramédicale ainsi que des mêmes connaissances thérapeutiques alors qu’ils payaient des coûts différents. Ces derniers étaient déterminés par le statut d’assurance du malade et non par la charge de travail liée à son suivi. En sus des unités de soins intensifs, on a créé d’autres locaux spécifiques à certaines prises en charge. Je pense notamment aux salles de réveil après une opération chirurgicale, comme les interventions par cathéter ou la chirurgie mini-invasive, ou encore aux unités dédiées aux examens médicaux interdisciplinaires, à celles pour les patients ayant eu un infarctus ou un traitement oncologique ainsi qu’aux unités de dialyse. Généralement, les patients de ces unités peuvent être renvoyés chez eux directement. Concernant les problèmes médicaux de longue durée, on a développé les médecines de réadaptation, gériatrique et palliative. L’expansion des soins à domicile a aussi modifié les hospitalisations en établissement de soins aigus.

«Le travail médical nécessaire doit être rémunéré de manière juste et correcte dans toute la Suisse.»

Dr Hanswerner Iff

Par conséquent, ces nouveaux types de prise en charge ont entraîné une nouvelle manière de facturer les coûts hospitaliers. Le calcul repose désormais sur un forfait par cas établi individuellement à partir d’un diagnostic de base assorti d’informations complémentaires aussi précises que possible. Depuis 2012, une assurance obligatoire des soins (AOS) est responsable de la rémunération adéquate et conforme à la loi du financement équitable des prestations hospitalières stationnaires. SwissDRG gère ces rémunérations. Il s’agit d’une institution commune qui regroupe les fournisseurs de prestations, les assureurs et les cantons.

Peu de place pour les assurances complémentaires

Personnellement, je pense que ce type de rémunération pour les prestations hospitalières stationnaires laisse très peu de place aux assurances complémentaires. Les assurances complémentaires d’hospitalisation ne devraient surtout pas être associées à la promesse d’une prise en charge médicale meilleure (ce qui est discutable) et, du coup, nettement plus coûteuse. Bien entendu, pareilles offres peuvent être proposées dans le domaine du confort non médical (meilleure hôtellerie, chambre à un lit, visites libres, régimes spéciaux) et être pertinentes selon le mode de vie (séjours à l’étranger). Il est essentiel d’éviter de créer une médecine à deux vitesses et de faire ainsi obstacle à l’équité de notre assurance de base. Le travail médical nécessaire doit être rémunéré de manière juste et correcte dans toute la Suisse. Il doit si possible être basé sur des faits, piloté par des directives, consolidé par la formation de base et continue et, enfin, contrôlé au sein de cercles de qualité. Les efforts en ce sens sont nombreux.

En raison de ma facture d’hôpital mentionnée plus haut, j’ai moi-même décidé de conclure une assurance de base AOS sans aucune assurance complémentaire! 

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Dr. med. Hanswerner Iff

Médecin-assistant puis chef de clinique, il travaille plusieurs années dans divers instituts scientifiques et cliniques de l’Hôpital de l’Ile à Berne. Il devient médecin-chef de l’ancien sanatorium de Soleure en 1974. Il siège au sein de différents comités ayant trait à la politique de la santé avant et après son départ à la retraite en 1997. Son vécu en tant que patient ainsi que son expérience de plus de 40 ans en qualité de médecin lui permettent de revenir sur 60 ans d’évolution du système de santé.

Excédents de primes

Des primes trop élevées ou des coûts de prestations plus faibles entraînent des primes excédentaires. Ces excédents sont injectés dans les réserves. Ainsi, nous faisons en sorte pour nos clients que les augmentations de primes soient aussi modérées et prévisibles que possible.

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