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Isabelle Moret et Damian Müller

Opinion: les forfaits ambulatoires font-ils baisser les coûts de la santé?

Isabelle Moret, conseillère nationale (PLR, VD)

Damian Müller, conseiller aux Etats (PLR, LU)

26. octobre 2021

Pour

Isabelle Moret

Pour maîtriser l’augmentation des coûts dans le domaine de l’AOS, le Conseil fédéral met en œuvre un programme visant à freiner les coûts en se basant sur un rapport d’experts. Les forfaits ambulatoires font partie du premier train de mesures visant à freiner la hausse des coûts. Après avoir examiné le projet en détail, le Parlement a posé, lors de sa session d’été 2021, les fondements de l’introduction nationale de forfaits ambulatoires. Cette décision novatrice permet désormais d’élaborer une tarification intelligente qui garantira enfin la transparence, freinera la hausse des coûts et, ainsi, réduira la charge qui pèse sur les payeurs de primes.

Les avantages des forfaits sont évidents: les opérations, examens médicaux et interventions identiques seront rémunérés par un forfait, donc de façon égale. De plus, la forfaitisation crée de bonnes incitations pour les médecins. Les forfaits ambulatoires garantissent en effet une rémunération juste et transparente, tout en limitant les mauvaises incitations, désormais connues, de l’actuel tarif à la prestation. Contrairement à ce dernier, qui englobe de façon détaillée tous les examens et traitements, les forfaits ambulatoires rémunèrent les interventions chirurgicales et les traitements coûteux d’une manière simple et compréhensible pour les patients. Ces paquets de prestations permettront bientôt de rétribuer la majorité des
prestations hospitalières dans le domaine ambulatoire; selon les domaines de spécialité, la part représente même 70 %, voire plus.

En collaboration avec santésuisse, H+ est en train d’élaborer une structure tarifaire fondée sur des forfaits. Les coûts réels et les données relatives aux prestations des fournisseurs de prestations lui serviront de base. Grâce à cette nouvelle structure tarifaire, une part importante des examens et traitements effectués en ambulatoire pourra à l’avenir être facturée de manière forfaitaire. Les nouveaux forfaits remplaceront de nombreux éléments du tarif à la prestation TARMED, devenu obsolète. Ils permettront de faire des économies et de soulager les payeurs de primes. Là où les forfaits ne sont pas appropriés, d’autres éléments tarifaires, comme un tarif à la durée ou à la prestation, seront nécessaires.

«Les forfaits garantissent une rémunération juste et transparente, tout en limitant les mauvaises incitations.»

Isabelle Moret, conseillère nationale

Les partenaires tarifaires sont maintenant à la manœuvre: par la décision du Parlement, ils sont tenus de mettre en commun leurs compétences pour élaborer une tarification qui garantira le maintien à long terme de l’excellence du système de santé suisse. Tous les partenaires tarifaires sont appelés à trouver ensemble des solutions qui permettront d’atteindre cet objectif dans l’intérêt des patients, du corps médical, des hôpitaux et des payeurs de primes. En parallèle, le blocage que le système tarifaire connaît depuis de nombreuses années pourra enfin être surmonté.

Contre

Damian Müller

La situation de départ paraît claire: partout où des prestations peuvent être fournies de manière standardisée, les forfaits améliorent la transparence et baissent les coûts administratifs. Cela semble convaincant. Pourtant, la réalité n’est pas si simple. Il n’est donc pas surprenant que le débat autour de la pertinence des forfaits dans le domaine de la santé soit aussi passionné. En effet, la plupart des acteurs ne sont pas satisfaits des forfaits. Certains trouvent les montants payés trop faibles, d’autres les trouvent trop élevés. Lors de la délibération parlementaire sur la loi fédérale sur l’assurance-maladie, les discussions étaient tout aussi vives. Au cours des discussions, le discours concernant les forfaits a soudain changé. Le Conseil fédéral a tenté de calmer les esprits en disant qu’il ne s’agissait pas du tout de promouvoir les forfaits, mais de créer une nouvelle structure tarifaire spécifique, comme pour les prestations à l’acte.

Le Parlement a finalement répondu à cet appel: il a décidé de modifier la loi, élargi les compétences du Conseil fédéral et prescrit une structure tarifaire unique à l’échelle suisse pour les forfaits ambulatoires. Alors, le problème est résolu? Que nenni! Alors que les hôpitaux affirment que jusqu’à 80 % des prestations hospitalières ambulatoires pourraient être rémunérées au moyen de forfaits, les médecins rétorquent qu’au contraire environ 80 % des prestations du domaine ambulatoire ne pourraient pas l’être.

«Je crains que la spirale des prix suive à l’avenir une tendance ascendante. On obtiendrait l’inverse de ce qu’on vise.»

Damian Müller, conseiller aux Etats

Les plaintes concernant des tarifs qui ne couvriraient pas les frais se poursuivent donc comme auparavant. Les hôpitaux argumentent déjà en disant qu’ils ne peuvent pas travailler avec les tarifs actuels, qui ne couvrent pas les coûts. Mais que se passera-t-il avec ces tarifs lorsque les hôpitaux disposeront de leur propre structure tarifaire sous forme de forfaits pour l’ambulatoire? Je crains que la spirale des prix suive à l’avenir une tendance ascendante et non pas descendante. On obtiendrait exactement l’inverse de ce qu’on vise avec les forfaits.

A l’avenir, les médecins et les caisses-maladie devront négocier ensemble des forfaits contraignants valables pour l’ensemble du territoire. Que la prestation soit fournie par un cabinet médical à un coût moindre ou par l’unité de soins ambulatoires d’un hôpital onéreux ne devrait plus jouer aucun rôle. Il est naïf de croire qu’il faille introduire plus de forfaits exprès pour les traitements plus difficiles à standardiser du domaine ambulatoire. Selon moi, les forfaits sont pertinents dans certains cas, mais ne constituent pas un remède miracle contre les prix élevés dans le domaine de la santé.

Isabelle Moret

Isabelle Moret est conseillère nationale (PLR) et présidente de l’association des Hôpitaux de Suisse H+. Elle est membre de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national (CSSS-N).

Damian Müller

Damian Müller est conseiller aux Etats (PLR), président du Forum Santé pour Tous et vice-président de Pro Senectute Lucerne. Il est membre de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil des Etats (CSSS-E).

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