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Les bénéfices de la transition numérique

Conditions-cadres adéquates, mécanisme de financement global et nouvelle réglementation: trois thèses sur le numérique dans le système de santé.

Dr. Marion Hämmerli, Associate Partner auprès de McKinsey & Company

18. février 2022

McKinsey, en collaboration avec l’EPFZ, a estimé à 8,2 milliards de francs les bénéfices potentiels du numérique dans le domaine de la santé en Suisse. Cela pourrait être réalisé si les technologies disponibles étaient entièrement déployées dans le système de santé suisse.1 On peut se demander pourquoi la Suisse n’a pas encore exploité ce potentiel et reste à la traîne par rapport à d’autres pays.2 Dans ce contexte, la réglementation du système de santé est notamment citée, et trois thèses y sont consacrées ci-après.

Thèse 1

La transformation numérique présuppose une collaboration opérationnelle et des conditions-cadres adéquates.

Pour la réussir, il faut notamment que les systèmes des différentes parties prenantes soient compatibles. Ce n’est qu’ainsi que les chaînes de création de valeur des acteurs impliqués dans le système de santé pourront être mieux harmonisées, dé­construites et redéfinies.

Une telle démarche nécessite des infrastructures et des règles adéquates pour l’échange de données médicales, comme le montrent les expériences internationales (p. ex. le dossier médical en Suède). Actuellement, la Suisse fait du sur place, comme l’illustre le dossier électronique du patient (DEP). Cependant, les infrastructures numériques ne doivent pas toujours être obligatoirement mises à disposition par l’Etat. Elles peuvent être développées de manière subsidiaire par les acteurs du marché si les conditions-cadres adéquates sont réunies (p. ex. les systèmes de surveillance à distance aux Pays-Bas).

Thèse 2

Un mécanisme de financement global est souhaitable, mais il existe déjà de nombreuses possibilités aujourd’hui.

La «santé numérique» ne devrait s’imposer à grande échelle que s’il existe un mécanisme de financement. Les fournisseurs de prestations demandent que de telles prestations soient rémunérées. Les assureurs-maladie craignent qu’une intégration des applications numériques dans le catalogue de la LAMal n’entraîne une augmentation des volumes.

Il faut que l’autorisation d’accès aux applications numériques de santé soit communiquée de façon claire et transparente, et c’est là que le régulateur intervient. L’impératif de protection de la personne implique que les applications numériques soient soumises à des critères d’autorisation aussi stricts que les mesures thérapeutiques conventionnelles (efficacité, adéquation et économicité). De plus, les effets et les coûts qui y sont liés doivent faire l’objet d’une surveillance efficace.

L’absence de garanties quant au financement et la lenteur des autorisations ne doivent toutefois pas freiner le développement numérique. Sur le plan entrepreneurial, il paraît plus logique de chercher des solutions individuelles (p. ex. dans le cadre de l’assurance complémentaire) que d’attendre un financement (politique) au titre de l’assurance de base.

Thèse 3

La transition numérique est l’occasion d’adopter une nouvelle approche en matière de soins de santé, en faisant tomber les barrières réglementaires ou en les redéfinissant.

Le système de santé suisse a été construit en fonction du financement (impôts, primes) et des compétences (cantons, Confédération, particuliers). Au fil du temps, de plus en plus de règles et de précisions sont venues s’ajouter à tous les niveaux. Actuellement, le système tel que nous le connaissons doit trouver le moyen d’encourager les soins ambulatoires par la réglementation sans occasionner de coûts supplémentaires.

La transition numérique a la capacité de transformer le système encore plus en profondeur. Elle place les patients, les clients et les personnes au premier plan et permet aux clients de s’autoévaluer en permanence. La détection précoce et la prévention passent au premier plan, explique par exemple Gregor Zünd, CEO de l’USZ.3 De telles possibilités supposent en effet des adaptations structurelles, car elles ne s’intègrent pas dans le cadre réglementaire actuel.

Conclusion

Le fossé entre la réglementation et le passage au numérique est indéniable. Cependant, il ne sert à rien d’accuser la réglementation de nuire à cette transition. Il faut en revanche que tous les acteurs aient le courage d’utiliser les leviers dont ils disposent et de tester de nouvelles idées dans un cadre adéquat (p. ex. projets pilotes régionaux, articles expérimentaux), afin de redéfinir en partie le système de santé.

1 Ce montant ne tient pas compte des coûts du déploiement. Cf. McKinsey, ETH: «Digitalisierung im Gesundheitswesen: Die 8,2 Mrd.-CHF Chance für die Schweiz, 2021» [Le numérique dans le système de santé: l’opportunité de CHF 8,2 milliards pour la Suisse].
2 Notamment selon le «Digital Health Index» de la fondation Bertelsmann.
3 «Wie die Digitalisierung das Unispital verändert», [Comment la transformation numérique change les hôpitaux universitaires], Haute école spécialisée Kalaidos Suisse, janvier 2020.
4 Limite supérieure de la fourchette de valeurs dans chaque cas, hors coûts d’investissement.
5 Ne comprend pas les frais des traitements dentaires, des soins de santé fournis par l’Etat ou des assureurs ni les services des organisations de prévention et de soutien.

Dr. Marion Hämmerli

est Associate Partner auprès de McKinsey & Company. Elle s’intéresse à la croissance et à l’innovation pour les assureurs-maladie et les assureurs-vie.

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