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Le système suisse de calcul des prix des médicaments atteint ses limites. Les modèles de prix alternatifs doivent refléter davantage l’évolution du marché. Eclairage.

Mark Pletscher, responsable de l’économie et la politique de la santé à la Haute école spécialisée bernoise

5. octobre 2022

En Suisse, l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) fixe les prix maximaux des médicaments remboursés par les caisses-maladie et les réexamine à intervalles réguliers. Pour ce faire, l’OFSP compare le prix moyen d’un médicament à l’étranger (comparaison avec les prix étrangers) ainsi que les prix des médicaments déjà remboursés pour la même indication en Suisse (comparaison thérapeutique). Si un nouveau médicament représente un progrès thérapeutique, l’OFSP peut accorder une prime à l’innovation allant jusqu’à 20% du prix d’un traitement de référence pendant quinze ans au maximum. Avec l’arrivée des nouvelles approches thérapeutiques, des thérapies combinées, des procédures d’autorisation accélérées et des indications toujours plus ciblées, ce système atteint ses limites.

Défis

La comparaison avec les prix étrangers ne prend pas en considération les rabais accordés de façon confidentielle à l’étranger. Les prix de référence sont donc sujets à une surévaluation. La prime à l’innovation de 20% au maximum dans la comparaison thérapeutique ne récompense pas les nouveaux médicaments à leur juste valeur. Elle ne suffit pas à stimuler le développement d’importantes avancées et innovations pour des indications sans traitement standard efficace. De plus, la prime à l’innovation ne tient pas suffisamment compte des coûts de production de certaines thérapies individualisées qui pourraient présenter une valeur ajoutée intéressante. Enfin, de nouveaux mécanismes d’action à indications multiples donnent lieu à plusieurs autorisations pour un médicament dans différentes indications avec des valeurs ajoutées variables, ce qui fait perdre tout intérêt pour une prime à l’innovation convenue. Dans le cas des thérapies combinées, le prix devrait inclure non seulement les coûts supplémentaires du nouveau médicament, mais aussi les coûts du traitement de fond prolongé lorsque celui-ci permet de retarder la progression de la maladie ou de prolonger la vie. Lorsqu’un nouveau médicament a une indication limitée ou a été autorisé rapidement, les organismes-payeurs sont dubitatifs quant aux coûts et à l’efficacité du traitement.

Modèles de prix alternatifs

Les mécanismes de remboursement alternatifs envisagés pour répondre aux défis actuels correspondent à quatre archétypes, chacun présentant des avantages et des inconvénients (voir tableau 1).

1. Prix basés sur les coûts

Les prix basés sur les coûts se fondent sur les coûts de développement, auxquels une marge bénéficiaire fixe est ajoutée. S’ils entraînent des coûts supplémentaires moins élevés que les autres modèles de prix pour les médicaments à forte valeur ajoutée, ces prix ne récompensent pas véritablement l’innovation ni l’efficacité, car les coûts de développement sont remboursés indépendamment de la valeur ajoutée. De plus, le risque inhérent à une faible valeur ajoutée est transféré des fabricants aux organismes-payeurs. A court terme, le manque de données sur les coûts de développement par produit et par indication constitue le principal obstacle pratique à la mise en œuvre de prix basés sur les coûts.

2. Appels d’offres

Certains pays comme l’Afrique du Sud, la Nouvelle-Zélande ou le Chili ont recours à des appels d’offres. Selon ce modèle, plusieurs fabricants soumettent des offres de prix pour une durée contractuelle déterminée. Dans la plupart des cas, un monopole temporaire est accordé au plus bas soumissionnaire. Les appels d’offres ne conviennent qu’aux indications pour lesquelles il existe plusieurs médicaments équivalents. L’innovation n’est récompensée que si l’efficacité est également prise en considération dans l’attribution. Si les appels d’offres peuvent entraîner une baisse des coûts des médicaments à court terme, les prix convenus peuvent être plus élevés vers la fin du contrat que dans d’autres modèles de prix. Lorsque des contrats de livraison pluriannuels ont été convenus, les organismes-payeurs supportent l’incertitude relative à l’efficacité et aux coûts. En contrepartie, ils peuvent négocier des garanties en matière de capacités de production, de stockage et de livraison.

3. Fixation des prix en fonction de la valeur

Les prix fixés en fonction de la valeur reflètent, pendant une période limitée, la valeur ajoutée d’un médicament. Ils incitent donc à développer des traitements plus efficaces. Afin d’éviter une augmentation excessive des coûts des médicaments, les prix des remboursements doivent être revus à la baisse lorsque les brevets expirent ou lorsque des traitements alternatifs arrivent sur le marché. En outre, les dépenses supplémentaires occasionnées pour l’utilisation de médicaments plus efficaces doivent être économisées ailleurs dans le système de santé, afin que la fixation des prix en fonction de la valeur n’ait pas pour effet d’augmenter les coûts. Les exigences supplémentaires en matière de données probantes et les coûts afférents lors du processus de fixation des prix peuvent dissuader les organismes-payeurs et les fabricants à faire davantage reconnaître la valeur ajoutée dans le prix des médicaments.

4. Managed entry agreements

Les «managed entry agreements» sont des schémas de partage des risques qui transfèrent en partie l’incertitude sur les coûts et l’efficacité des organismes-payeurs vers les fabricants (figure 1). Les «managed entry agreements» sont non pas des instruments de réduction des coûts, mais bien des contrats de réassurance et des instruments garantissant un accès plus rapide aux nouvelles thérapies. Les prix peuvent être fixés en fonction du coût d’un traitement pour une personne ou pour la société, ou encore des résultats de ce traitement. Faute de données probantes, il est également possible de convenir de prix provisoires et de la réalisation d’études d’efficacité supplémentaires. Les «managed entry agreements» nécessitent une collecte de données supplémentaire en pratique clinique, ce qui entraîne d’autres coûts pour la mise en œuvre et le suivi des accords.

Figure 1: Managed entry agreements – Moins d’incertitude pour les organismes-payeurs

Bilan

Bien que le système actuel de fixation des prix en Suisse comprenne déjà des incitations à l’innovation et des instruments de contrôle des coûts, il est mis à rude épreuve en raison de l’évolution du marché des médicaments. Certains éléments des modèles de prix alternatifs pourraient compléter, voire remplacer, le système actuel. Cependant, afin d’utiliser efficacement les bons instruments, les décideurs ne doivent pas perdre de vue les objectifs d’une réforme et les éventuels conflits entre le contrôle des coûts et l’incitation à l’innovation. Les futurs modèles doivent être uniformes et transparents et pouvoir être mis en œuvre à des coûts raisonnables.

Mark Pletscher

est responsable de l’économie et la politique de la santé à la Haute école spécialisée bernoise. Auparavant, il a travaillé comme économiste de la santé chez Roche ainsi qu’à l’Institut d’économie de la santé de Winterthour.

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