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Coûts de la santé: personne n’assume de responsabilité

Beda M. Stadler, professeur émérite, a dirigé l’Institut d’immunologie à l’Université de Berne

23. mai 2018

Cela ne joue aucun rôle de savoir si la citation «Imagine que c’est la guerre et personne n’y va!» est réellement de Bertolt Brecht. Il importe que chacun puisse s’imaginer que cela pourrait signifier la fin de la guerre. C’est exactement pareil pour la maîtrise des coûts dans le domaine de la santé. Toutes les parties prenantes savent en effet que le problème provient des fournisseurs de prestations eux-mêmes, du genre de prestation et de son coût, sachant que l’on aime bien s’en prendre au patient. Les autres doivent se comporter autrement. Mais comme personne ne le fait, tous finissent par repartir en guerre. Les coûts continuent d’augmenter.

Comment freiner les coûts?

Comme les personnes en bonne santé ont jusqu’ici réduit à néant toute maîtrise des coûts, par leur comportement ou aux urnes, quelqu’un devrait enfin avoir le courage de remettre les pendules à l’heure. Mais on dirait que ce «quelqu’un» n’existe pas. En effet, personne n’ose dire à partir de quand une personne est malade et mérite la solidarité. En revanche, chacun est prêt à estomper la frontière entre la maladie et la bonne santé, par exemple en prétendant que la médecine alternative est efficace, que le wellness a un effet curatif, et que si cela ne sert à rien, cela ne nuit pas.

«Personne n’ose dire à partir de quand une personne est malade et mérite la solidarité.»

Beda M. Stadler

Dans «Santé2020» de l’OMS ou de l’OFSP, on pourrait lire très exactement entre les lignes ce qu’il faudrait faire. La formulation politique correcte est que l’on ne devrait pas partir en guerre et l’on nous explique comment on va venir à bout de la hausse des coûts. Il me vient à l’esprit l’image des prêtres en uniforme qui prêchent la paix derrière l’autel. Néanmoins, l’Etat n’est pas le seul à avoir des cadavres dans le placard. C’est le cas de toutes les parties prenantes du système de santé. Ainsi, il n’existe tout simplement personne qui aurait assez de crédibilité pour prescrire une ordonnance pour la maîtrise des coûts dans le système de santé. «Santé2020» va donc échouer, nous le savons d’ores et déjà.

L’ordonnance devrait donc s’appeler «Maladie2020». L’avis des personnes en bonne santé au sujet de la santé est sans importance. Dorénavant, nous ne considérerons que les faits liés à la maladie. Supprimons le système de santé et remplaçons-le par un système de maladie. Dans ce système, il sera en priorité question de la solidarité, et chaque personne saine qui en extirpera quelque chose pour sa santé sera punissable. Le droit à la santé signifie en fait que l’on récupère exactement de l’assurance-maladie ce qu’on lui a déjà versé. Pour clarifier la situation, il faudrait plutôt appeler «Santé2020» «Grounding2020», pour que personne ne puisse dire qu’il ne le savait pas, et que s’il l’avait su, il n’y serait pas allé.

Beda M. Stadler

Beda M. Stadler, né en 1950 à Viège (VS), professeur émérite, a dirigé l’Institut d’immunologie à l’Université de Berne. Il est connu pour ses propos virulents sur les thèmes de politique sociale et de la santé.

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