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Un équilibre complexe

Personalmangel
Pour conserver la qualité des soins de santé malgré la rareté du personnel, il faut affecter les personnes au bon endroit. Une discussion sous l’angle du système et de l’organisation.

Prof. Dr. Simon Wieser, PD Dr. Florian Liberatore, Matthias Maurer, chercheurs et enseignent à l’Institut d’économie de la santé de la ZHAW

19. octobre 2023

Le nombre de personnes employées dans le secteur de la santé en Suisse, mesuré en postes à temps plein, a doublé au cours des 30 dernières années. La Suisse est donc bien dotée en personnel de santé par rapport à d’autres pays de l’OCDE. Pourtant, il y a aujourd’hui une grande pénurie de médecins, de personnel soignant et d’autres professionnels de la santé. Cette pénurie risque de s’accentuer dans les années à venir.

Vue du système: avons-nous, à moyen et long terme, suffisamment de main-d’œuvre qualifiée pour soutenir notre système de santé?

De nombreuses institutions peinent à recruter du nouveau personnel alors que de plus en plus de professionnels quittent la profession. Certaines spécialités, notamment les soins de base et la psychiatrie, ainsi que les régions rurales sont particulièrement touchées. La pénurie concerne surtout les infirmières et infirmiers diplômés qui détiennent un bachelor ou un master, ainsi que les expertes et experts en soins infirmiers qui ont suivi des formations complémentaires, mais elle affecte aussi d’autres professionnels de la santé qualifiés, comme les sages-femmes et les assistantes et assistants médicaux.

Cette pénurie a plusieurs causes:

«Les branches en dehors du secteur de la santé peuvent répercuter l’augmentation de l’enveloppe salariale sur leur clientèle.»

Simon Wieser, Florian Liberatore et Matthias Maurer

Dans le cas des médecins, d’autres motifs sont déterminants:

Nos propositions pour le système de santé:

  1. Augmenter encore le nombre de places en médecine: le nombre actuel est trop faible au vu des besoins croissants de la population et des attentes légitimes de la nouvelle génération de médecins en matière de conciliation entre vie professionnelle et vie privée. En outre, les candidatures ne manquent pas puisque moins d’une personne sur quatre est admise aux études de médecine.
  2. Encourager une spécialisation plus tôt pendant les études de médecine afin d’améliorer l’efficacité de la formation et de renforcer le rôle des médecins de premier recours.
  3. Préparer le système de santé à une pénurie de personnel de santé qualifié qui perdurera et s’accentuera. Cela est nécessaire, car les efforts visant à réduire la pénurie de personnel pourraient ne pas donner les résultats escomptés. Malgré les défis que représente la pénurie de personnel, la population doit continuer d’avoir accès aux soins de base. C’est pourquoi il convient de limiter l’accès aux prestations non indispensables, voire superflues. Lors de la tâche particulièrement épineuse qui consiste à fixer les priorités pour l’ensemble de la société, il convient de privilégier les prestations qui apportent un bénéfice avéré aux patientes et patients. Le catalogue des prestations de l’assurance de base, valable à l’échelle nationale, devrait refléter cette définition des priorités (p. ex. opération orthopédique vs traitement conservateur tout aussi efficace avec physiothérapie).

Sept domaines sont décisifs pour la durabilité et la résilience

Dans leur rapport intitulé «Partnership for Global Health Resilience and Sustainability (PHSSR)», les auteurs ont désigné sept domaines comme étant décisifs pour la durabilité et la résilience du système de santé suisse d’un point de vue systémique.

Vue de l’organisation: comment pouvons-nous conserver la main-d’œuvre et l’employer correctement?

En plus des facteurs liés à la démographie, aux réglementations et à la politique de la santé, la pénurie de personnel qualifié est également attribuable à une mauvaise gestion des institutions en ce qui a trait, notamment, aux conditions de travail, à l’allocation et à l’utilisation efficace des ressources humaines.

  1. Pendant longtemps, le management n’a pas créé des conditions de travail attrayantes. On pouvait compter sur l’engagement infatigable des professionnels de la santé. Or, pour recruter et conserver le personnel, des conditions et des modèles de travail attrayants sont aujourd’hui extrêmement importants. Le salaire compte naturellement, mais aussi la collaboration au sein de l’équipe, le style de gestion, des effectifs convenables, la possibilité de participer à l’élaboration des horaires par équipe, l’accès à des horaires flexibles (p. ex. à temps partiel) et à des options de carrière, et suffisamment de temps pour offrir des soins de qualité. Même si certaines de ces mesures sont difficiles à soutenir financièrement dans les conditions tarifaires actuelles, d’autres peuvent être mises en oeuvre sans frais supplémentaires grâce à des changements dans la culture, les processus décisionnels et la planification ou la gestion des ressources.
  2. Un changement de mentalité est en cours dans de nombreuses institutions, avec pour objectif de ne pas supprimer de lits ni de réduire l’offre de prestations malgré des ressources en personnel limitées. Pour y parvenir, il faut une planification des ressources centralisée avec des systèmes de gestion des capacités, une répartition et une utilisation flexibles des ressources entre les différents services et les établissements par le biais de pools de personnel, une affectation des équipes en fonction des besoins, ainsi que des optimisations concernant l’équilibre entre compétences professionnelles et niveaux de formation.
  3. Toutes les mesures qui augmentent l’efficacité des ressources humaines revêtent également une grande importance. Il ne s’agit pas d’intensifier le travail, mais de standardiser et d’optimiser les processus de travail et de réduire ou consolider la charge administrative.

Tout bien considéré, pour réduire considérablement la pénurie de personnel qualifié, il faut instaurer des mesures managériales capables de retenir le personnel qualifié qui se raréfie et d’affecter les effectifs de manière judicieuse et ciblée.

Prof. Dr. Simon Wieser, PD Dr. Florian Liberatore, Matthias Maurer

travaillent comme chercheurs et enseignent à l’Institut d’économie de la santé de la ZHAW à Winterthour. Ils ont rédigé en 2023 le rapport sur le système de santé suisse à l’attention du Partnership for Health System Sustainability and Resilience (PHSSR).

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