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Le numérique dans le système de santé suisse

La transformation numérique du système de santé est défaillante à plusieurs égards. Parmi les facteurs importants, il y a la spécificité suisse et la piètre connaissance du numérique.

Anna Hitz, présidente de la communauté d’intérêts eHealth et coprésidente de l’Alliance «Transformation numérique dans les soins de santé»

18. février 2022

La transition numérique dans le domaine de la santé vise à améliorer la qualité tout en réduisant les coûts. Avec ces objectifs en tête, la saisie multiple et décentralisée des données doit être remplacée par le partage des données des patients sous forme numérique. Une fois saisies, les données numériques sont à la disposition de tous les professionnels de la santé autorisés, en tout temps. Cela permet de prendre des décisions de façon plus rapide et plus ciblée, le traitement et la sécurité des patients s’en trouvant ainsi grandement améliorés.

La Suisse en comparaison internationale

Si on la compare aux autres pays, la Suisse se trouve toujours en queue de peloton en ce qui concerne le passage au numérique dans le domaine de la santé. Et ce retard n’a pas pu être comblé au cours des dernières années, malgré de nombreux efforts. Faute de disposer d’une plateforme centrale pour l’enregistrement et le partage des données, le fax, les documents papier et les saisies à double sont toujours monnaie courante dans le domaine de la santé. Force est de constater que la Suisse ne subit pas une pression au changement aussi forte qu’ailleurs dans le monde. Le système fonctionne et l’argent est disponible, donc pourquoi changer?

Les spécificités suisses

Les auteurs de l’étude #SmartHealthSystems considèrent que la transition numérique dans le domaine de la santé est jouable si les trois éléments suivants sont réunis: une stratégie efficace, un leadership politique et des institutions nationales coordinatrices. Outre l’absence d’une nécessité de changement, le fédéralisme suisse constitue l’un des plus grands défis. En Suisse, la politique de la santé est menée aux niveaux fédéral et cantonal. Tandis que les cantons sont responsables des soins de santé opérationnels, la Confédération assume des tâches liées au financement et à la coordination. Pour coordonner le domaine de la cybersanté, la Confédération et les cantons ont créé eHealth Suisse, centre de compétences et de coordination, dont l’objectif est de déployer une mise en réseau numérique à l’échelle nationale. Toutefois, lorsqu’une solution nationale doit être mise en œuvre, les 26 cantons demeurent compétents.

En raison de la configuration particulière de la Suisse, il n’est pas possible d’importer les modèles et solutions qui fonctionnent à l’étranger. Les nombreux acteurs et les intérêts parfois divergents ralentissent les processus législatifs et freinent la transition numérique. La transition va bon train dans certaines organisations de santé en Suisse. Elle accuse toutefois un retard important en ce qui concerne la mise en réseau externe avec d’autres établissements de santé et parties prenantes.

Renforcer les compétences numériques

Un facteur déterminant est le manque de compétences au sein de la population. Une étude de l’OFSP montre qu’il est encore difficile pour près de la moitié de la population suisse d’évaluer correctement les informations sur la santé. De plus, 72% des personnes interrogées éprouvent des difficultés avec les informations et les services numériques. Par conséquent, de nombreuses personnes ne connaissent pas les offres de services numériques et ne les utilisent pas.

Or, les patients, les médecins de famille, les pharmaciens, les hôpitaux et les autres acteurs de la santé doivent être en mesure de collaborer et d’échanger leurs données. Le principal défi ne réside pas dans l’élaboration technique d’une plateforme, mais dans la collaboration et la coopération de l’ensemble des services concernés. Il faut aussi que le patient, qui joue un rôle central, soit en mesure de comprendre et d’utiliser correctement les services numériques.

Un projet pour les infrastructures de base

Le dossier électronique du patient (DEP) a permis la création d’une infrastructure pour le stockage centralisé de documents personnels contenant des informations sur la santé. Mais sa mise en application s’avère difficile. L’arrimage des conditions-cadres juridiques, organisationnelles et techniques, la décentralisation des structures ainsi que la complexité du processus d’ouverture d’un DEP freinent l’introduction et la diffusion d’un tel outil à l’échelle de la Suisse.

La fonction actuelle de stockage de documents n’est pas suffisamment incitative pour recourir au DEP. Seuls les fournisseurs de prestations hospitaliers sont obligés de l’utiliser, ce qui ne permet pas l’exhaustivité souhaitée et l’échange de données entre tous les acteurs. Il reste encore beaucoup de travail à faire pour que le DEP s’établisse comme la plateforme centrale de stockage et d’échange de données de santé et développe son plein potentiel.

La voie à suivre

La Suisse devrait tirer profit d’un contexte favorable. Elle n’est pas seulement un site intéressant pour la recherche et le développement. La large diffusion de technologies telles que les smartphones ou le réseau 3G / 4G offre également la meilleure base possible pour le développement et la mise en œuvre de solutions numériques.

Pour que nous puissions relever les défis de notre système politique, une meilleure coopération entre les acteurs est nécessaire. C’est dans ce but que 27 associations du secteur de la santé se sont réunies en 2021 pour fonder l’Alliance «Transformation numérique dans les soins de santé». L’objectif de l’alliance est de définir conjointement les priorités et les besoins d’action en matière de transformation numérique, d’élaborer des propositions de solutions et des recommandations d’action. Sont représentés au sein de l’alliance aussi bien l’industrie que les associations et divers fournisseurs de prestations du domaine de la santé. Même s’ils ne sont pas toujours d’accord, tous les acteurs reconnaissent le potentiel et les opportunités de la transition numérique. Ensemble, ils souhaitent, autant que faire se peut, s’adresser aux représentants politiques en parlant d’une seule voix. Ils entendent ainsi accélérer les processus politiques et créer de meilleures conditions-cadres.

Enfin, le niveau de compétences au sein de la population et, en particulier, la confiance dans les instruments et les services numériques jouent un rôle déterminant dans la réussite de la transition numérique.

Quelle

OFSP, Health Literacy Survey Suisse 2019–2021.

Anna Hitz

est partenaire Health auprès de la société de conseil en informatique Indema AG à Zurich. Depuis avril 2020, elle est présidente de la communauté d’intérêts eHealth et cofondatrice et coprésidente de l’Alliance «Transformation numérique dans les soins de santé».

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