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Andri Silberschmidt et David Roth

Andri Silberschmidt-Buhofer, conseiller national et vice-président du PLR

David Roth, conseiller national et vice-président du PS

24. juin 2025

pour: Andri Silberschmidt

Le système de santé suisse fonctionne bien. Il est de grande qualité et jouit d’une grande confiance de la population. Des améliorations sont apportées au système progressivement, mais continuellement. Cette évolution se distingue des grands chantiers des assurances sociales. Pendant ce temps, le blocage des réformes occasionne des pertes de plusieurs milliards, et des réformes structurelles en profondeur sont nécessaires depuis longtemps. Il en va autrement du système de santé, un domaine éminemment complexe dans lequel un changement radical risquerait de provoquer des dommages considérables. 

A vrai dire, le système de santé doit composer avec une telle quantité de règles que ses structures tendent vers l’inertie, voire l’inefficacité. Faute de réelle concurrence, un facteur d’innovation et d’augmentation de l’efficacité dans d’autres secteurs, les avancées nécessaires, notamment en matière de numérisation et d’automatisation, ne se sont pas matérialisées au cours des dernières années. 

Ce marché fortement réglementé nous oblige à nous tourner vers les instances politiques pour fixer le cadre et indiquer la direction à suivre. Il en résulte des attentes élevées qui ne peuvent jamais être entièrement satisfaites puisque les décideurs s’orientent toujours sur la faisabilité et la capacité à réunir une majorité. Ils recherchent avant tout le compromis. Pour qu’une réforme ait des chances d’aboutir, elle doit donc s’appuyer sur un large soutien, ce qui prend du temps. Cela ne signifie pas pour autant que rien ne se passe. 

«Notre système de santé n’est pas dysfonctionnel, il n’a pas besoin d’une révolution.»

La commission de la santé publique du Conseil national se réunit trois jours par année pour se pencher sur des réformes et des changements législatifs. Il s’en dégage souvent de bonnes décisions, en particulier lorsque tous les acteurs concernés sont impliqués en amont. Les patientes et patients, l’Office fédéral de la santé publique, les fournisseurs de prestations et les assureurs doivent tirer à la même corde. Cette dynamique n’est pas révolutionnaire, mais elle est constante. 

Notre système de santé n’est pas dysfonctionnel, il n’a pas besoin d’une révolution. Au contraire, il s’agit d’un système sophistiqué, bien que (trop) réglementé, qui s’améliore petit à petit grâce à des réformes sensées, adoptées progressivement.  Les instances politiques sont appelées à concevoir des réformes de manière prudente, pragmatique et réaliste. Les récents succès de l’EFAS et du 2e volet de mesures sont la preuve que nous en sommes capables. 

contre: David Roth

La Suisse dépense chaque année 90 milliards de francs pour la santé. En soi, c’est un signe de prospérité. Pour autant, le système est antisocial, puisqu’il avantage celles
et ceux qui peuvent se payer des assurances complémentaires. Le financement même du système est l’un des plus antisociaux au monde: il étrangle les payeurs de primes avec des primes par tête et des participations aux coûts élevées et permet à des fournisseurs de prestations et à des entreprises de s’enrichir. Résultat: de nombreuses personnes se privent de traitements faute de moyens financiers suffisants.

Certaines interventions politiques menacent même d’aggraver, voire d’officialiser, cette médecine à deux vitesses. Pensons à l’augmentation des franchises, à la taxe d’urgence, à la suppression de l’obligation de contracter, ou encore aux économies dans les soins de longue durée avec l’EFAS. Pire, la surconsommation avérée des personnes assurées en complémentaire fait augmenter les primes des personnes couvertes par l’assurance de base, car le tarif médical est toujours facturé à l’AOS.

«Freiner la hausse des coûts ne suffit pas à assurer un financement social, car les dépenses de santé nécessaires sont trop élevées.»

N’oublions pas que si l’EFAS a été plébiscité par l’ensemble des groupes parlementaires, la réforme a failli échouer dans les urnes. Cela montre clairement que le financement doit être social et fondé sur le revenu, sans quoi les futures réformes n’auront aucune chance d’être acceptées par le peuple.
Il s’agit d’une condition préalable à d’autres améliorations, indépendamment du fait que le financement provienne de plusieurs assureurs-maladie ou d’une assurance-maladie publique. Il est clair que freiner la hausse des coûts ne suffit pas à assurer un financement social, car les dépenses de santé nécessaires aujourd’hui et demain sont bien trop élevées.

Il est néanmoins indispensable de réduire au minimum les inefficacités et les doublons dans le système. Il faut aussi revoir le fédéralisme: une réorganisation de la planification hospitalière au niveau suprarégional s’impose. Il en va de même pour la transition numérique, qui n’a que trop tardé et qui ne peut être menée à bien qu’avec la compétence de la Confédération, à l’échelle nationale. En plus des inefficacités, il faut éliminer ce qui accable les payeurs de primes, comme les systèmes tarifaires fondés sur la quantité et exempts de responsabilité budgétaire, les prix astronomiques des médicaments, les salaires exorbitants
des médecins spécialistes et hospitaliers. Aucune de ces sources de profit n’a sa place dans une assurance sociale comme l’AOS.

Pour toutes ces raisons, je plaide pour un plafonnement des salaires des spécialistes, une augmentation significative de la part des cantons dans le financement uniforme et la fin des traitements excessifs au titre des assurances complémentaires. La Suisse offre de bons soins de santé, mais le système est de plus en plus antisocial. Une réforme de fond n’est pas une idée radicale; elle est une nécessité. 

Andri Silberschmidt-Buhofer

est membre de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique (CSSS), conseiller national PLR (ZH) et vice-président du PLR. Il a étudié l’économie d’entreprise et est entrepreneur.

David Roth

est conseiller national dans le canton de Lucerne et vice-président du PS Suisse. Il est diplômé en gestion des organisations à but non lucratif et travaille depuis 2016 auprès de syndicom.

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