Factures d’hôpital excessives pour les assurés en complémentaire
Les offres des caisses-maladie de mes premières années de jeune médecin me donnaient déjà à réfléchir. A l’hôpital, ces offres étaient marquées par la distinction entre «commune», «demi-privée» et «privée». Créées dans le cadre de la médecine thermale du XIXe siècle, ces classes existent encore sous forme de reliquat du passé. Je ne sais pas si elles doivent faire partie de l’assurance complémentaire. Considérant la loi sur le contrat d’assurance (LCA, 1905), datant presque de la même époque, cette offre peut sembler légitime aujourd’hui. Ces classes ne tiennent pourtant pas compte du contexte hospitalier actuel et ouvrent la porte à toutes sortes de manigances.
L’avenir de l’assurance complémentaire
Tentation du profit ou véritable besoin du marché? La branche cherche des alternatives pertinentes sur le plan économique.
Il y a trois ans, j’ai discuté de l’une de mes propres factures – d’un montant élevé – avec les administrations de l’hôpital et de l’assureur concernés. Les deux ont attesté sa validité. En tant qu’assuré en division demi-privée, j’aurais séjourné dans une chambre à deux lits, profité d’une cuisine excellente et reçu des soins médicaux de premier choix. Mon séjour avait duré à peine plus de 24 heures. En dehors de l’intervention médicale, je n’avais pas vraiment eu le temps de bénéficier des bons repas. Et pourtant, ma facture était au moins deux fois plus élevée que l’aurait été celle d’un patient assuré en division commune. Etait-ce justifié?
Nouveaux traitements et facturations
Voilà 50 ans, je trouvais déjà surprenant qu’aux soins intensifs, les patients, qu’ils soient assurés en division commune ou privée, soient alités dans la même pièce en bénéficiant de la même prise en charge médicale et paramédicale ainsi que des mêmes connaissances thérapeutiques alors qu’ils payaient des coûts différents. Ces derniers étaient déterminés par le statut d’assurance du malade et non par la charge de travail liée à son suivi. En sus des unités de soins intensifs, on a créé d’autres locaux spécifiques à certaines prises en charge. Je pense notamment aux salles de réveil après une opération chirurgicale, comme les interventions par cathéter ou la chirurgie mini-invasive, ou encore aux unités dédiées aux examens médicaux interdisciplinaires, à celles pour les patients ayant eu un infarctus ou un traitement oncologique ainsi qu’aux unités de dialyse. Généralement, les patients de ces unités peuvent être renvoyés chez eux directement. Concernant les problèmes médicaux de longue durée, on a développé les médecines de réadaptation, gériatrique et palliative. L’expansion des soins à domicile a aussi modifié les hospitalisations en établissement de soins aigus.
«Le travail médical nécessaire doit être rémunéré de manière juste et correcte dans toute la Suisse.»
Dr Hanswerner Iff
Par conséquent, ces nouveaux types de prise en charge ont entraîné une nouvelle manière de facturer les coûts hospitaliers. Le calcul repose désormais sur un forfait par cas établi individuellement à partir d’un diagnostic de base assorti d’informations complémentaires aussi précises que possible. Depuis 2012, une assurance obligatoire des soins (AOS) est responsable de la rémunération adéquate et conforme à la loi du financement équitable des prestations hospitalières stationnaires. SwissDRG gère ces rémunérations. Il s’agit d’une institution commune qui regroupe les fournisseurs de prestations, les assureurs et les cantons.
Peu de place pour les assurances complémentaires
Personnellement, je pense que ce type de rémunération pour les prestations hospitalières stationnaires laisse très peu de place aux assurances complémentaires. Les assurances complémentaires d’hospitalisation ne devraient surtout pas être associées à la promesse d’une prise en charge médicale meilleure (ce qui est discutable) et, du coup, nettement plus coûteuse. Bien entendu, pareilles offres peuvent être proposées dans le domaine du confort non médical (meilleure hôtellerie, chambre à un lit, visites libres, régimes spéciaux) et être pertinentes selon le mode de vie (séjours à l’étranger). Il est essentiel d’éviter de créer une médecine à deux vitesses et de faire ainsi obstacle à l’équité de notre assurance de base. Le travail médical nécessaire doit être rémunéré de manière juste et correcte dans toute la Suisse. Il doit si possible être basé sur des faits, piloté par des directives, consolidé par la formation de base et continue et, enfin, contrôlé au sein de cercles de qualité. Les efforts en ce sens sont nombreux.
En raison de ma facture d’hôpital mentionnée plus haut, j’ai moi-même décidé de conclure une assurance de base AOS sans aucune assurance complémentaire!
Plus sur le sujet
- Hanswerner Iff dans le bulletin des médecins suisses: Eine Spitalrechnung, die zu denken gibt. (Source: Bulletin des médecins suisses)