Le défi de la prévention
Bien que de nombreuses études montrent un retour sur investissement (ROI) des mesures de prévention portant sur la santé, on investit très peu dans ce domaine. Les raisons en sont, d’une part, le très long délai avant d’obtenir un retour sur investissement et, d’autre part, les défis liés à la méthode scientifique.
Prévention: autant d’acteurs que d’objectifs
Dans la LAMal, la prévention demeure l’exception. Les compétences et les moyens sont-ils bien répartis?
Lien de causalité et éthique
Dans la mesure où le bénéfice n’apparaît que très tard après l’introduction d’une mesure de prévention, les études ne peuvent montrer que des associations. Le lien de causalité ne peut pas être établi, c’est-à-dire la preuve que le bénéfice est effectivement survenu en raison de la mesure de prévention. Il est en effet impossible de contrôler tous les facteurs d’influence, qui peuvent changer au cours d’une longue période. Ainsi, le ROI se fonde généralement sur des hypothèses très solides. Les expériences contrôlées, randomisées et réalisées en aveugle, qui sont la référence dans le domaine, ne se prêtent pas d’emblée à l’évaluation des mesures de prévention.
Premièrement, il existe peu de mesures de prévention qui peuvent être suivies à l’insu des personnes concernées. De ce fait, les expériences ne peuvent pas être réalisées en aveugle. Deuxièmement, il est impensable de maintenir un contrôle pendant des années, voire des décennies. Certaines personnes feront par exemple plus de sport ou mangeront plus sainement durant cette période, mais il serait impossible de forcer un autre groupe de personnes à adopter un comportement équivalent. Troisièmement, une telle expérience serait discutable d’un point de vue éthique, car il faudrait priver certaines personnes, sur une longue période, d’une mesure qui pourrait potentiellement prolonger leur espérance de vie. Pour les mesures dont l’effet se produit plus rapidement, comme la prévention du VIH, ces problèmes sont moins fréquents, ce qui permet de disposer de meilleures preuves.
La dissonance cognitive
Sur le plan humain, la personne doit réaliser qu’un changement de comportement conduit effectivement à une meilleure santé. Lorsque le retour sur investissement est très long, la motivation est souvent difficile à maintenir. En outre, certaines études montrent que les personnes sont trop optimistes quant à leur état de santé futur. Elles partent du principe qu’elles n’auront pas besoin de soins et sont donc moins disposées à conclure une assurance de soins. Et même lorsque nous sommes convaincus de l’utilité de la prévention, le phénomène de la dissonance cognitive nous empêche souvent d’adopter le comportement souhaité: nous savons ce que nous devrions faire ou ne pas faire, mais nous n’agissons pas en conséquence.
Pistes à explorer
Lutter contre la psychologie est certes difficile, mais pas impossible. En ce sens, l’approche du «nudging» (méthode douce de persuasion) s’avère prometteuse. La recherche devrait se concentrer sur les preuves causales. En Suisse, les données sur la santé des personnes sont souvent décentralisées. De ce fait, il est particulièrement difficile de prouver l’efficacité des mesures existantes.