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Carlo Sommaruga et Peter Hegglin

Opinion: une limitation des réserves de l’assurance-maladie est-elle nécessaire?

Carlo Sommaruga, conseiller aux Etats (PS / GE)

Peter Hegglin, conseiller aux Etats (Le Centre / ZG)

9. juin 2022

Pour

Oui. Bien évidemment. La nécessité d’avoir des réserves légales et raisonnables n’est pas contestée. Cependant, la situation actuelle n’est pas seulement disproportionnée, elle est abusive.

Les primes ont augmenté de manière impressionnante ces dernières années. Les réserves des caisses d’assurance aussi. Il est compréhensible que des différences puissent exister de temps à autre entre l’estimation des coûts (et donc les montants des primes pour la couverture de ces coûts) et les coûts effectifs à la charge de l’assurance de base. L’estimation des coûts est un exercice complexe. Mais il faut avoir en tête que ces différences viennent alimenter année après année les réserves. La répétition systématique de ces erreurs d’estimation n’est pas acceptable, car les réserves dont il est question sont les primes que les personnes assurées ont payées en trop!

Les réserves ont pour but d’assurer la solvabilité et la solidité du système et de garantir la couverture des prestations en cas d’événement soudain et imprévu qui entraînerait un surcoût important. Elles sont déterminées en tenant compte des risques assumés par les assureurs. Les réserves ne sont donc plus simplement définies en pourcentages des primes et échelonnées en fonction du nombre de personnes assurées. Ce nouveau mode de calcul, en vigueur depuis 2012, était présenté comme plus précis et plus restrictif que l’ancienne méthode.

«Le Conseil fédéral a certes proposé une réduction volontaire des réserves excédentaires, mais cela ne suffit pas.»

Carlo Sommaruga

Or, les réserves ont atteint des sommes astronomiques: de 2015 à 2021, leur montant global est passé de 6 milliards à 12 milliards, soit plus de 200% du minimum légal requis! La charge que représentent les primes d’assurance-maladie pour les ménages suisses est très lourde. Elle est même la deuxième cause d’endettement en Suisse. Il est donc impératif d’amener rapidement un correctif. Cette accumulation de réserves va à l’encontre d’une évolution plus modérée des primes.

Le Conseil fédéral a reconnu le problème, mais sa proposition manque d’envergure. En effet, il propose que la réduction des réserves excédentaires se fasse sur une base volontaire. C’est insuffisant. Lorsque les réserves sont supérieures au taux de solvabilité de 100% des caisses, soit le minimum prévu par la loi, ces réserves excessives doivent être utilisées pour diminuer les primes des personnes assurées.

De plus, il est impératif d’empêcher la réduction des réserves à des fins de marketing! Nous avons déjà vu certains assureurs utiliser l’argument des réserves pour attirer de nouvelles personnes assurées.

En conclusion, il faut instaurer une limite aux réserves, restituer immédiatement aux personnes assurées les 12 milliards de primes payées en trop et favoriser un calcul des primes plus juste. Tout cela doit s’accompagner de transparence, car elle fait cruellement défaut dans le calcul actuel des primes.

Contre

Après une courte pause, les coûts de la santé augmentent à nouveau sensiblement. En 2021, la croissance par personne assurée était de 5,1%. Une grande partie de cette évolution sera supportée par les payeuses et les payeurs de primes. Les réserves des assurances contribuent à freiner la hausse des coûts.

Afin de garantir la stabilité des assureurs-maladie, l’Office fédéral de la santé publique définit tous les risques potentiels. Si un assureur peut couvrir ces risques avec ses réserves, son taux de solvabilité est de 100%. Jusqu’à présent, un taux de solvabilité de 150% semblait approprié. Les esprits s’échauffent autour du montant de ces réserves alors qu’il faudrait s’attaquer à l’évolution des coûts. Les critiques reprochent aux assureurs de constituer de trop grandes réserves en prélevant des primes trop élevées. Mais ce reproche est-il justifié? Je pense que non. Une comparaison avec d’autres assurances sociales (AVS, AI, AA, etc.) montre que les assureurs-maladie se situent dans la moyenne. Le montant total des réserves correspond en moyenne à environ trois à quatre mois de primes seulement. Si le taux de solvabilité se réduit comme peau de chagrin, cela ne contribuera pas à une réduction déterminante et durable de la charge des primes. Au contraire, comme cela a déjà été observé deux fois par le passé, une baisse des réserves se retournera contre les caisses et les obligera à augmenter brusquement les primes.

«Les esprits s’échauffent autour du montant de ces réserves alors qu’il faudrait s’attaquer à l’évolution des coûts.»

Peter Hegglin

De plus, il faut s’attendre à un affaiblissement à long terme des caisses. Avec la modification de l’ordonnance entrée en vigueur en juin 2021, le Conseil fédéral a assoupli les directives relatives aux réserves et les a abaissées à 100%. Ce faisant, il a accepté de provoquer un effet de yo-yo indésirable sur les plans économique et social. Si elles n’atteignent pas le taux de 100%, les caisses sont contraintes par les autorités de surveillance à prendre des mesures en cours d’année, elles sont montrées du doigt et risquent de plonger dans une crise existentielle. S’ensuit alors une spirale de risques. Les caisses qui acceptent de prendre davantage de risques peuvent proposer des primes plus basses. De plus, le Conseil fédéral ne mesure pas l’effet positif des réserves grâce auxquelles les assureurs-maladie ont pu envoyer des signes rassurants en temps de crise, comme lors de la pandémie de COVID-19. S’ils ont pu annoncer rapidement qu’ils renonceraient à des hausses de primes liées à la pandémie, c’est bien grâce aux réserves!

Le vieil adage «Mieux vaut prévenir que guérir» prend ici tout son sens.

Carlo Sommaruga

62 ans, avocat, a étudié le droit à Genève, où il vit depuis 40 ans. Conseiller national de 2003 à 2019, il est élu au Conseil des Etats en 2019. Il préside la commission des affaires juridiques.

Peter Hegglin

est conseiller aux Etats et président de l’Association des petits et moyens assureurs-maladie RVK. Il est actif au sein d’autres asso­ciations de branche et membre de la Commission de l’économie et des redevances, de la Commission des finances, de la Déléga­tion des finances et de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil des Etats.

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