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Smarter medicine: moins, c’est plus

Certains traitements médicaux sont d’une faible utilité ou impliquent même un risque supplémentaire. La Société Suisse de Médecine Interne Générale (SSMIG) a élaboré deux listes contenant chacune cinq mesures médicales qui sont souvent prescrites inutilement. En 2017, d’autres sociétés de discipline médicale publieront des listes correspondantes. Voici le message de la campagne «smarter medicine»: oui à une meilleure qualité de vie, non à la surmédicalisation.

Bruno Schmucki, chef du projet Communication auprès de la Société Suisse de Médecine Interne Générale (SSMIG)

Hermann Amstad, secrétaire général de l’Académie Suisse des Sciences Médicales (ASSM)

23. mai 2018

Les malades n’apprécient pas un médecin qui ne leur prescrit rien. Ils croient qu’il les abandonne. Ce constat avait déjà été dressé dans l’Antiquité par le philosophe et médecin grec Epictète. Les médecins actuels sont toujours confrontés au même problème. Comme les progrès techniques ont été fulgurants en médecine, de nombreux patients sont convaincus que toutes les méthodes diagnostiques et thérapeutiques disponibles devraient être appliquées. Souvent, la question du bénéfice de ces méthodes n’est pas posée.

Les prestations obligatoires dans la LAMal

Listes de traitements inutiles

Il y a quelques années, aux Etats-Unis, des voix se sont élevées pour mettre en garde contre la surmédicalisation («overuse»). En 2011, des médecins ont lancé l’initiative «Choosing Wisely». Elle avait pour but non seulement de déclencher des «décisions intelligentes», mais aussi d’encourager la discussion ouverte entre le corps médical, les patients et le public. Les «listes Top 5» de chaque discipline clinique sont au cœur de la campagne «Choosing Wisely». Ces listes Top 5 renferment cinq mesures médicales qui sont généralement inutiles. Autrement dit, les médecins et les patients doivent discuter ensemble de la possibilité de renoncer à un traitement parce que les risques qu’il présente sont potentiellement plus importants que le bénéfice qu’il apporte.

Smarter medicine en Suisse

L’Académie Suisse des Sciences Médicales (ASSM) a intégré l’initiative «Choosing Wisely» à sa feuille de route «Système de santé durable». Cette préoccupation a également suscité un vif intérêt auprès de la Société Suisse de Médecine Interne Générale (SSMIG). Par la suite, une commission a entrepris de dresser sa propre liste Top 5 pour le secteur ambulatoire en Suisse et l’a présentée au public en 2014 sous le nom «smarter medicine». La commission SSMIG a par exemple porté un regard critique sur le bilan radiologique en cas de douleur non spécifique, sur les dosages coûteux sans bénéfice clair et sur l’administration d’antibiotiques en cas d’infection sans signe de gravité. Deux ans plus tard, une liste a été élaborée pour le secteur hospitalier. La SSMIG recommande entre autres de renoncer à la routine des prises de sang et des transfusions, à la prescription de somnifères et la pose de cathéters permanents.

«Les infections nosocomiales sont souvent causées par un cathéter.»

Elargissement de l’initiative

A l’initiative de l’ASSM, de nouvelles sociétés de discipline médicale ont examiné les recommandations américaines et décidé de les appliquer à la Suisse. Les listes correspondantes seront publiées en 2017 avec des commentaires à la portée des patients.

En Suisse, contrairement à d’autres pays, la campagne «smarter medicine» n’a pas encore vraiment décollé. Cela s’explique par le fait que jusqu’ici, seules quelques activités isolées ont été organisées, et de surcroît à des intervalles de temps éloignés. C’est pourquoi il est prévu de créer un organe responsable reposant sur une large assise, auquel il appartiendra d’accompagner et de soutenir en permanence la campagne «smarter medicine» ainsi que de la faire connaître.

La discussion sur les traitements inutiles ne doit pas uniquement avoir lieu dans la salle de consultation ou sur le lit d’hôpital. Ce qu’il faut, c’est un débat public sur la question du volume nécessaire de prestations médicales pour optimiser le bien-être du patient et promouvoir ainsi sa qualité de vie.

Bruno Schmucki

Bruno Schmucki est chef du projet Communication auprès de la Société Suisse de Médecine Interne Générale (SSMIG).

Hermann Amstad

Hermann Amstad est secrétaire général de l’Académie Suisse des Sciences Médicales (ASSM).

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