«Une nouvelle répartition des ressources est nécessaire»
Le «oui» à l’initiative sur les soins infirmiers a clairement montré la reconnaissance et l’estime de la population pour les soins infirmiers. Les avis divergent cependant sur les conditions-cadres dans lesquelles les soins infirmiers doivent être exercés. Actuellement, nous constatons une diminution de l’intérêt pour la profession infirmière ainsi que de nombreux abandons. Il y a un déséquilibre entre le nombre de personnes qui entrent dans la profession et le nombre de personnes qui la quittent. La responsabilité et la charge de travail doivent être réparties sur un plus petit nombre de personnes, ce qui alourdit encore le travail au quotidien. Si les soins ne peuvent plus être dispensés selon les normes de la profession et en prenant le temps nécessaire, leur qualité diminue, ce qui provoque stress et insatisfaction chez les personnes soignantes. Des études menées en Suisse et à l’étranger ont montré que la sécurité des patientes et patients était menacée lorsque le personnel infirmer était en sous-effectif. Lorsqu’on demande aux personnes pourquoi elles ont quitté la profession, le facteur temps est toujours cité sous une forme ou une autre. Elles évoquent une charge de travail élevée, un temps trop court auprès des patientes et patients, le stress et le manque de temps de récupération.
La pénurie de main-d’œuvre menace le système
Dans le système de santé, il est surtout question de finances. Or, c’est la main-d’oeuvre qui viendra à manquer en premier.
Des directives contraignantes sont nécessaires
Pour briser ce cercle vicieux, il faut, d’une part, former davantage de personnes soignantes et, d’autre part, retenir le personnel qualifié. Toutefois, il serait peu efficace de créer davantage de places de formation sans améliorer la qualité de l’environnement de travail.
L’évolution démographique et l’augmentation des besoins en soins nous obligent à réfléchir autrement. Il faut combler le vide laissé par les départs à la retraite des baby-boomers et mettre un terme aux départs précoces. Dans l’environnement de travail à proprement parler, cela implique une collaboration d’égal à égal ainsi qu’une reconnaissance et une valorisation mutuelles des compétences. L’ASI considère que les recommandations actuelles ne suffisent plus et que le moment est venu d’émettre des directives contraignantes pour une dotation en personnel adaptée aux besoins. C’est là qu’intervient le deuxième volet de l’initiative sur les soins infirmiers. Mais les politiques, les employeurs et les assureurs ont du mal à le mettre en œuvre. L’amélioration des conditions de travail est freinée par les conflits d’intérêts des parties prenantes, car elle touche aux domaines de compétences et aux structures en place.
Renégocier la répartition des ressources
C’est un fait: un renforcement et une réorganisation des forces vives s’imposent. Mais le personnel ne doit pas être recruté à l’étranger, ce qui, du point de vue de l’ASI, serait contraire à l’éthique. En outre, la Suisse a adopté le code de pratique de l’OMS pour le recrutement international des personnels de santé. Combler les lacunes avec du personnel moins qualifié risquerait de mettre la sécurité des patientes et des patients en danger.
La répartition des ressources financières et humaines doit être renégociée en vue des besoins à venir. Les ressources du système de santé étant limitées, il est nécessaire de mener un large débat sur les prestations que nous souhaitons financer et avec quels flux financiers. Il faut aussi adapter le système tarifaire. Il convient d’investir davantage dans les soins de base, la prévention et la prise en charge des groupes vulnérables, notamment dans les soins de longue durée. A terme, nous voulons des soins de qualité reposant sur une assise large et une nouvelle répartition des compétences, ainsi que des soins médicaux et infirmiers regroupés et spécialisés.
«L’objectif: des soins de base de qualité, largement soutenus, avec une nouvelle répartition des compétences ainsi qu’une médecine et des soins concentrés et spécialisés.»
Miriam Rittmann
Toutefois, malgré toutes les mesures prises, nous ne parviendrons pas à combler le manque de personnel qualifié si nous ne rendons pas la profession plus attrayante. L’ASI demande de nouveaux incitatifs et des modèles de soins tels que le «nurse-led care» (modèle axé sur le renforcement des compétences du personnel infirmier), ainsi que des soins intégrés interprofessionnels, l’utilisation ciblée de nouvelles technologies pour optimiser les processus (p. ex. un dossier électronique du patient pertinent pour la pratique) et un financement couvrant les coûts des soins ambulatoires et stationnaires. Si les soins deviennent plus attrayants, cela créera un engouement auprès du personnel déjà formé, qui souhaitera réintégrer la profession, en plus de susciter de nouvelles vocations.
Conclusion
Ces mesures ne sont ni motivées par la politique professionnelle ni teintées de politique partisane. Elles ont pour seul objectif de garantir la prise en charge des patientes et patients à l’avenir. La Confédération, les cantons, les assureurs et les fournisseurs de prestations doivent chercher des solutions aux problèmes des soins dans le système de santé en sollicitant les partenaires sociaux. Cela nécessite une étroite collaboration, un engagement politique et surtout la volonté d’améliorer la situation dans le domaine des soins.