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«Budgets globaux» en Allemagne: le début d’une médecine à deux vitesses?

L’Allemagne applique des directives quantitatives pour les soins ambulatoires et stationnaires, mais aucun rationnement n’est observable. Comment se présente concrètement la mise en œuvre chez notre voisin?

Reinhard Busse, professeur en gestion de la santé à l’Université technologique de Berlin

25. octobre 2018

Selon la proposition du groupe d’experts de limiter le rémunération des médecins et hôpitaux par un budget global, il paraît opportun de jeter un coup d‘oeil à l’étranger pour examiner les appréhensions et les attentes par rapport à leur part de vérité. L’Allemagne ne dispose d’aucun budget général englobant tous les secteurs dans toutes les régions, mais les dépenses pour les soins ambulatoires (au niveau des Lands ou des associations de médecins conventionnés) et hospitaliers (au niveau des Lands puis des hôpitaux) sont fixées en amont sur la base de directives fédérales.

Dans le secteur ambulatoire, environ un tiers du budget appelé «rémunération globale» est prévu pour les médecins de famille, et le reste va aux spécialistes. Chaque cabinet connaît à l’avance le montant dont il dispose. Il découle de la spécialité médicale, d’un nombre calculé de patients fréquentant le cabinet chaque trimestre et d’un volume donné de points par patient. Les cabinets médicaux facturent alors les prestations fournies par rapport à la valeur des points fixée à l’avance. Une fois qu’ils ont atteint leur nombre de patients ou volume de points, cela ne veut pas dire qu’ils doivent fermer. La rémunération des autres patients ou prestations est toutefois nettement plus faible. Plusieurs instruments apportent la garantie que l’argent sera encore disponible en décembre. Ainsi par exemple, le montant destiné aux cabinets médicaux est réparti sur quatre trimestres. Néanmoins, il y a naturellement des patients qui affirment, au sujet des délais d’attente, qu’un rendez-vous ne leur est pas proposé avant le trimestre suivant.

Le principe est similaire pour les hôpitaux. Dans ce secteur, il est convenu avec les caisses-maladie d’un budget de recettes par hôpital sur la base des prestations escomptées (en fonction du type de prestation et de leur volume). Si des prestations supplémentaires sont fournies puis remboursées par les différentes caisses-maladie via les DRG, soit l’hôpital perçoit moins d’argent par cas grâce à différents instruments («réduction dégressive liée aux coûts fixes»), soit il doit rembourser une partie des recettes globales supplémentaires. Inversement, les hôpitaux qui restent en dessous du budget des recettes et du montant des recettes convenus l’année précédente touchent une compensation de la moins-value (recettes réduites) de 20%. Tant pour les budgets des cabinets médicaux que pour ceux des hôpitaux, des augmentations annuelles sont négociées. Ces dernières sont d’une part liées à la croissance des salaires des assurés et d’autre part à la hausse des coûts, notamment pour le personnel. Une telle budgétisation tenant compte d’une hausse des coûts adéquate est donc loin d’être un rationnement. Et ce qu’il faut dire aussi: on parle beaucoup des inconvénients potentiels d‘une limitation des dépenses de santé, mais moins des inconvénients d’une rémunération illimitée. Un système qui autorise les prestations sans limitation donne également des incitations négatives. Les opérations inutiles, ne procurant aucun bénéfice au patient pour sa santé, comportent néanmoins des risques liés à l’intervention elle-même. Des études ont en outre montré qu’un patient hospitalisé sur mille décède pour cause d’erreur médicale.

Reinhard Busse

Prof. Reinhard Busse, docteur en médecine, enseigne la gestion de la santé à la faculté d’économie et de management de l’Université technologique de Berlin.

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