css.ch

La piste d’une mise en concurrence des prestations axée sur la qualité

La concurrence à elle seule ne suffit pas à freiner la hausse constante des coûts dans le système de santé suisse. Le succès ne se dessinera que si l’aspect qualitatif entre aussi en ligne de compte.

Bernhard Schaller, médecin généraliste et directeur médical du réseau de médecins du nord-ouest de la Suisse

Thomas Rosemann, directeur de l'Institut de médecine de famille à l’Hôpital universitaire de Zurich

25. octobre 2018

Actuellement, on cherche des solutions à différents niveaux pour freiner la croissance constante des coûts. Dans la médecine de famille, cela fait déjà des années que différentes mesures de réduction des dépenses sont mises en oeuvre. Nous expliquons ci-après quelles sont les mesures à prendre dans la médecine de famille si l’on veut réduire les coûts et ce que cela implique pour les fournisseurs de prestations et les patients concernés: une mise en concurrence des prestations, qui est déjà partiellement une réalité dans les réseaux de soins intégrés tels que le réseau de médecins du nord-ouest de la Suisse.

Approche axée sur la qualité

Afin d’assurer un niveau qualitatif élevé aux soins de santé, les médecins de famille réunis au sein de réseaux de soins intégrés ne cessent de se former. Ils s’appuient notamment sur des recommandations thérapeutiques fondées sur des données probantes, appelées «guidelines», qui résument l’état des connaissances médicales actuelles. Les «cercles qualité», au sein desquels sont discutés les cas complexes ainsi que les nouveaux résultats des études et leur conséquence possible pour les guidelines et la pratique courante, constituent d’autres mesures prises dans cette gestion de la qualité systématique. De plus, dans un souci de transparence et de sécurité de l’approvisionnement sanitaire, les réseaux de soins intégrés et les cabinets médicaux se soumettent de plus en plus à la vérification d’organes de certification indépendants. Cela ne concerne plus seulement la qualité des structures, comme autrefois, mais de plus en plus aussi la qualité des résultats, qui profite directement aux patients.

Approche axée sur l’efficacité

Dans les modèles d’assurance conventionnels, les fournisseurs de prestations gagnent d’autant plus qu’ils fournissent davantage de prestations. Il en va autrement dans les modèles d’assurance axés sur la médecine de famille, où le but n’est pas de faire tout ce qui est possible, mais de faire exactement ce qu’il faut, et donc d’éviter des soins excessifs ou insuffisants (cf. fig. Coûts thérapeutiques journaliers).
Comme l’on suppose que l’évolution des dépenses globales de santé de ces dernières années provient surtout d’une multiplication des prestations, cette approche réduit directement les coûts. Les médecins progressistes assument d’ores et déjà leur responsabilité économique et sociale et sont rémunérés en conséquence. Ceux qui gèrent les ressources de manière plus efficace gagnent également plus.

… et le patient

Sur le principe, tout le monde est favorable à l’efficacité des coûts dans le système de santé. Toutefois, dès que quiconque a – ou connaît quelqu’un qui a – besoin de prestations médicales, il se met à évaluer la situation de manière tout à fait différente. En raison de ce paradoxe, il est difficile d’atteindre à la solidarité à laquelle nous aspirons dans la LAMal, ce qui montre que le rationnement ou l’accès limité aux prestations de santé est quasi impossible à imposer en Suisse.
Aujourd’hui déjà, les médecins progressistes discutent systématiquement du rapport coût-utilité d’une prestation avec leurs patients (cf. fig. Exemple de mesures). Ces derniers apprécient que leurs besoins individuels soient ainsi pris en compte. Le fait que les patients participent activement aux décisions favorise l’observance thérapeutique et réduit les coûts. Plus le réseau saura concilier cette orientation patient et le rapport coût-utilité, plus il se démarquera favorablement des autres réseaux (ou au sein du benchmark), et plus les patients seront satisfaits.

… et le médecin

Les médecins veulent soigner leurs patients de manière optimale, mais pas de manière maximale. Des mesures ciblées telles que la campagne «Smarter Medicine» des internistes généralistes suisses, qui consiste à éviter les traitements superflus, représentent une orientation possible dans ce contexte. Une intégration verticale réellement pratiquée permet en outre d’optimiser la chaîne de valeur ajoutée médicale. Cela signifie que le médecin de famille doit aller le plus loin possible dans le traitement et adresser ses patients aux spécialistes ou les transférer vers des hôpitaux uniquement lorsqu’ils peuvent en retirer un bénéfice supplémentaire. En outre, il ne doit les adresser qu’à des fournisseurs de prestations qui partagent sa philosophie en matière de réduction des coûts et d’amélioration de la qualité.

… une approche thérapeutique

Les systèmes de santé dont le principal moyen de contrôle est la mise en concurrence des prestations ont tendance à revenir cher. Pour contrer l’explosion des coûts dans le système de santé, la Suisse suit déjà la voie éprouvée d’une mise en concurrence des prestations axée sur la qualité. Ce système, qui permet d’atténuer la hausse des coûts sans rationnement ni restriction de l’accès, est très apprécié des patients relevant des réseaux concernés. C’est pourquoi cette concurrence réglementée doit être élargie. Le numérique, dont l’importance ne cesse d’augmenter, peut contribuer à rendre les itinéraires thérapeutiques encore plus sûrs et efficaces (p. ex. en matière de sécurité des médicaments). Il importera de trouver une solution propre à la Suisse et de ne pas se contenter d’imiter des modèles observés à l’étranger.

Bernhard Schaller

Le docteur Bernhard Schaller, médecin généraliste, est le directeur médical du réseau de médecins du nord-ouest de la Suisse et exerce dans son cabinet à Muttenz. Il collabore avec l’Institut de médecine de famille de l’Université de Zurich.

Thomas Rosemann

Thomas Rosemann (à dr.), méd. spéc. en médecine interne générale, a exercé comme médecin avant de se consacrer à la recherche et l’enseignement. Depuis 2008, il occupe la chaire de médecine de famille à l’Hôpital universitaire de Zurich.

©2024 CSS